Les retombées des feux de forêts lointains

neuf faits alarmants sur la fumée émise

Monday, December 13, 2021 by Hope Lourie Killcoyne

Cette photo, prise par Arnav Kainthola et publiée sur Pexels, montre un feu de forêt brûlant la terre et enfumant le ciel en Inde.

** 20 juillet 2021.** Une éternité semble s'être écoulée, non ? Tant d'événements se sont produits depuis. Tant d'événements se produisent chaque jour. Mais mon histoire commence précisément à cette date – au matin de ce jour.

J'étais dans le sud de Manhattan, à New York, où nous vivons. Notre petit appartement se trouve dans un immeuble sans ascenseur du centre-ville, à presque deux kilomètres au nord de l'endroit où se tenaient les tours jumelles. C'est aussi là que j'étais le matin du 11 septembre 2001. Les tours éventrées, les odeurs, les bruits, la fumée...toutes mes peurs et mes angoisses se réveillent à la simple vue d'une photographie des tours. Parfois, j'ai le souffle brièvement coupé quand je regarde l'une de nos photos de famille où apparaissent, en arrière-plan, ces bâtiments emblématiques, indestructibles en apparence.

Cliché pris par mon mari de mes enfants et moi. (1996)

Cependant, en cette matinée de juillet 2021, le ciel brumeux au-dessus de la ville de New-York n'était pas le fait de terroristes encastrant des avions dans des immeubles proches. En réalité, la fumée avait parcouru des milliers de kilomètres, charriée par des vents âpres et brûlants crachés par le feu ravageant la côte ouest des États-Unis et du Canada.

La statue de la Liberté, un autre symbole de New York, est prête à accueillir les personnes et non la pollution.

21 juillet 2021.© Hope Lourie Killcoyne

Faites une pause pour respirer

Allez-y, inspirez. Expirez. Prenez conscience de votre respiration pour un instant.

Nous pouvons tous et toutes remercier les plantes marines (le phytoplancton) de créer la plus grande partie de l'oxygène mondial. D'ailleurs, l'océan absorbe environ un tiers du dioxyde de carbone présent sur Terre. Autrefois, les plantes terrestres, notamment les arbres des forêts tropicales et des régions boisées, jouaient un rôle, en absorbant presque 25 % du CO₂. Autrefois.

À présent, la déforestation (souvent causée par des incendies) entraîne des pertes de toutes parts : en plus de provoquer la libération de CO₂ – en quantité presque 20 % supérieure à celle qui est absorbée, depuis 2010 – les incendies détruisent les arbres qui auraient pu absorber le carbone.

Pourquoi couperions-nous sans réfléchir cette corde de sécurité – cette petite partie, toutefois indispensable, du réservoir d'oxygène et du puits de carbone de la nature ? Un trop grand nombre d'entre nous n'apprécient pas la forêt ni les arbres (bien que le confinement obligatoire dû au COVID-19 ait apporté un léger changement.

Une cantine fermée à Gowanus, Brooklyn.

28 juillet 2021. © Hope Lourie Killcoyne

Le problème, c'est que les feux de forêts n'attendent pas que nous soyons aux aguets et préparé·es, encore moins reconnaissant ·es. Ils n'attendent pas non plus que des hommes et des femmes politiques parient sur une énième mesure de greenwashing.

Une fois portées par le vent, les flammes ardentes qui brûlent d'innombrables arbres sont extrêmement difficiles à maîtriser. Le titre de cet article vous aura peut-être mis sur la piste, mais l'extinction des flammes, aussi ironique cela soit-il, entraîne une conséquence durable : la fumée.

Elle se propage bien plus loin que le feu, et les dangereux vents de fumée ne peuvent être limités. La fumée ne connaissant pas de frontières, la qualité de l'air n'est pas un problème local. Après ceux de la Terre, ce sont nos poumons qui risquent d'être gravement abîmés.

La matière particulaire

Partout dans le monde, des gens ont vu les images retransmises d'immenses feux de forêt ravageant sans pitié la côte ouest nord-américaine.

Certaines de ces images montraient également des panaches de fumée tourbillonnants. Cependant, il était une chose impossible à observer (du moins, pas sans microscope électronique) : la quantité incalculable de minuscules polluants qui voyagent avec la fumée. Ces dangereuses particules, appelées PM2.5 (pour « Particulate Matter », en anglais), ont un diamètre inférieur à 2,5 microns, elles sont donc bien plus petites que le point final de cette phrase.

En comparaison, un cheveu est 30 fois plus large...Les PM2.5 sont aussi petites que menaçantes, car leur taille n'a pas d'importance, c'est le vent qui compte. En effet, poussées par celui-ci, elles parcourent parfois des milliers de kilomètres. Puis elles retombent, comme cela est arrivé le 20 juillet 2021.

Ce diagramme, fourni par l'EPA, compare la taille d'un grain de sable, d'un cheveu, et d'autres particules plus grosses qui sont respirées – PM10 (en bleu) – avec celle du tout petit vilain de l'histoire : PM2.5 (les plus petits points roses, en bas à droite).

Comme son nom l'indique, l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (« United States Environmental Protection Agency » ou « EPA ») s'efforce de protéger l'environnement. À cette fin, elle surveille l'évolution de la pollution dans les États, rend publique ses conclusions et, si nécessaire, utilise ses pouvoirs pour faire respecter la législation.

Toutefois, si l'on peut demander des comptes à une entreprise qui transgresse les limites, il n'en va pas de même avec les feux de forêt.

Ce signe XR_NYC, affiché sur la vitrine d'une boutique abandonnée, dénonce la responsabilité des chaînes de télévision Fox, CNN et MSNBC qui perçoivent de l'argent grâce aux publicités de l'industrie des combustibles fossiles, destructrice pour le vivant.

23 avril 2021. © Hope Lourie Killcoyne

En ce qui concerne le déferlement inédit de feux de forêt – malgré le milliard de dollars que les États-Unis dépensent chaque année dans la lutte contre les incendies – le mieux que l'EPA puisse faire est d'enregistrer des données et de les mettre à disposition. Avec la carte interactive AirNow, n'importe qui peut étudier la qualité de l'air en fonction de l'heure, du jour et de l'emplacement sélectionnés.

(AirNow.gov, qui travaille avec l'EPA et d'autres agences étasuniennes, fournit des données sur la qualité de l'air et diverses ressources. C'est un excellent site, qui vaut la peine d'être consulté même si vous n'êtes pas au Canada, au Mexique ou aux États-Unis.)

De manière révélatrice, les captures d'écran ci-dessous permettent de comparer le jour où une énorme quantité de PM2.5 s'est abattue sur la ville...avec le jour précédent.

La veille et le jour-même. La différence est plutôt frappante. Au lendemain du 21 juillet, le ciel était encore particulièrement gris.

Là où je me trouve, en Amérique du Nord, ainsi qu'à de trop nombreux endroits dans le monde – en Sibérie, en Algérie, en Grèce ou en Australie, pour ne citer que quelques pays – les feux de forêt deviennent de plus en plus difficiles à contenir. La mort et la destruction instantanées qu'ils sèment sont atroces, tout comme les dommages durables qu'ils provoquent massivement.

Un peu d'attention pour nos poumons

Quand vous pensez à vos poumons, les imaginez-vous roses ? Après tout, c'est de cette couleur qu'ils sont souvent représentés.

Mais si vous étudiiez la médecine dans l'un des quartiers les plus pollués de New York, le Bronx, et que votre spécialité était la pneumologie, pensez-vous toujours que vous verriez des poumons roses ?

« The Lungs in 3D », dans notre bibliothèque.

Voici un exemple tiré de l'introduction d'un livre pour enfants que j'ai écrit, « The Lungs in 3D », qui s'appuie sur une expérience vécue par mon père :

En 1961, Ronald Chodosh, né et élevé dans le Bronx (New York), est âgé de 25 ans et étudie la médecine à l'université de Bâle (Suisse). Lors de sa première autopsie, qu'il effectue sur un vieil homme suisse, il vit un moment déconcertant. Les poumons du nonagénaire, qui avait vécu toute sa vie à la campagne suisse, avaient une jolie couleur rose. Cela ne vous surprend pas ? C'est ainsi que les poumons sont représentés partout – à la télévision, sur Internet et même dans les illustrations des pages du livre en question – il est vrai. Dans la réalité néanmoins, les poumons ne restent pas roses longtemps. Les poumons que Ronald Chodosh avait observé au cours des autopsies à New York –même ceux des jeunes – étaient, au mieux, gris, beiges ou bruns. Et ceux des fumeur·euses étaient bien plus sombres, parsemés de taches grises ou noirâtres.

En effet, nos poumons sont comme des éponges, absorbant l'air que nous respirons.

Évidemment, tant que nous choisissons ce que nous faisons de notre corps, nous pouvons essayer de protéger nos « éponges » en ne faisant pas activement entrer de la fumée dans celui-ci, autrement dit, en ne fumant pas.

Qu'en est-il de la fumée émise, en grande quantité, par d'autres sources, qui est néfaste pour nous et pour la planète ? La meilleure option est de faire preuve de proactivité : il vaut mieux empêcher un incendie qu'être obligé·e de l'éteindre.

La liste ci-dessous présente neuf faits alarmants sur la fumée des feux de forêt. Peut-être aidera-t-elle à réveiller les gens qui pensent pouvoir respirer à leur aise tant que les feux sont loin.

Car il est temps, cher·ère rebelle, que les personnes déterminées à soigner la planète en urgence fassent entendre leur voix grâce à leur corps...à leurs poumons.

Des particules à la planète : neuf faits alarmants sur la fumée des feux de forêt

1. Il n'y a pas d'échappatoire

À proximité des feux, la fumée est incontestablement toxique. Mais le 20 juillet 2021, la qualité de l'air à New York n'avait jamais été aussi mauvaise en 15 ans.

À basse altitude, la fumée peut parcourir des centaines de kilomètres, mais si elle s'élève suffisamment haut pour atteindre le courant-jet, alors les polluants qu'elle contient peuvent se retrouver des milliers de kilomètres plus loin.

Je le répète, la distance n'est pas synonyme de sécurité.

Comme vous l'avez lu plus haut, la fumée projetée sur des milliers de kilomètres s'accompagne de particules délétères minuscules, pouvant néanmoins entraîner de lourdes conséquences.

Et pour les personnes qui se sentiraient protégées en se tapissant chez elles, AirNow rappelle que la fumée des feux de forêt peut pénétrer depuis l'extérieur et rendre l'air également néfaste à l'intérieur.

2. La fumée des feux de forêt présente un risque pour la santé

Un article publié en ligne en amont de la saison des feux 2021, « Wildfires and Smoke », met en garde contre les matières particulaires :

La pollution la plus inquiétante liée à la fumée est la pollution par les particules, souvent appelées matières particulaires, ou PM (selon l'acronyme anglais). Les conséquences pour la santé d'une exposition à ces particules peuvent être relativement mineures (irritation des yeux et des voies respiratoires) ou graves (aggravation de l'asthme, insuffisance cardiaque et mort prématurée).

La plupart des adultes et des enfants en bonne santé se remettront rapidement d'une exposition à la fumée d'un incendie. Toutefois, certaines populations risquent d'en souffrir davantage, notamment les personnes atteintes d'une maladie respiratoire ou cardiovasculaire, les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes et les personnes travaillant en extérieur.

Alors que je terminais d'écrire cet article, le journal « Lancet Planet Health » a publié LA plus grande étude à ce jour (couvrant environ 750 villes dans plus de 40 pays) portant spécifiquement sur le risque de décès dû à la pollution par PM2.5, liée aux feux de forêts.

L'étude, menée par plus de 70 spécialistes sur une période de 16 ans, révèle des informations choquantes sur les taux de mortalité cardiovasculaire et respiratoire. Ayant établi que la toxicité des PM2.5 émises lors d'un incendie était supérieure à celle des PM2.5 provenant de sources urbaines, les auteur·ices implorent les responsables des politiques de prendre des mesures urgentes visant à réduire les risques sanitaires dus à la multiplication des feux de forêt.

3. La fumée aggrave les problèmes de santé préexistants

Pour les personnes ayant du mal à respirer en temps normal, les plus petites matières particulaires – PM2.5 – peuvent provoquer de l'asthme, des attaques et des crises cardiaques.

Les pathologies sous-jacentes constituent évidemment des facteurs de risque, tout comme les réseaux de communication fragiles (voire non existants) entre les autorités de santé et les patient·es – sans parler des réseaux avec les communautés dans leur ensemble.

Et les gens en bonne santé ? Devraient-ils s'inquiéter à l'idée de faire du sport ? Il semblerait que oui...

4. C'est une question de justice climatique

Partout où les moyens financiers et l'assistance médicale sont limités, les résidents et les institutions encourent plus de risques. En substance, les communautés pauvres n'ont pas le luxe de compter sur des soins.

Pour commencer, il existe de très fortes inégalités de revenus aux États-Unis. Ajoutez à cet écart le système médical rapace et lucratif du pays, rapportant des milliards de dollars, et vous vous retrouvez avec des injustices en matière de soins de santé qui ne cessent d'augmenter et de s'aggraver.

Selon l'auteur d'une enquête sur l'évolution de la santé de plus de 5 millions d'Étasuniens pendant 25 ans (« Trends in Health Equity in the United States by Race/Ethnicity, Sex, and Income, 1993-2017 », dont l'objectif était de se concentrer sur la santé plutôt que sur la mortalité, il n'y a manifestement pas eu de progrès en matière d'équité en santé durant les 25 dernières années. Il conclut en soulignant que la trajectoire générale suivie est stagnante et se mêle à un déclin incontestable.

D'autres données montrent que certains des organes les plus touchés par la fumée – les poumons et le cœur – sont déjà en mauvais état chez les personnes ayant de faibles revenus, soit celles qui vivent dans des quartiers et pauvres et respirent davantage de particules toxiques.

Au-delà des questions d'argent – ou de manque d'argent – une étude du Bureau du recensement des États-Unis a montré que la pollution actuelle creusaient les écarts économiques existants, et mettaient en danger la santé et le niveau d'éducation des générations futures.

Enfin, ce n'est un secret pour personne que, dans ce pays, la pauvreté, des soins de santé de piètre qualité et/ou la couleur de la peau sont inextricablement liés – en particulier dans les villes ou à proximité de celles-ci (le « où » en italique sert à indiquer que si vous êtes noir·e, peu importe que vous soyez plus riche que le Blanc dans la salle d'attente à vos côtés ; statistiquement, il est plus susceptible de recevoir de meilleurs soins).

5. La fumée aggrave les risques liés au COVID-19.

Respirateurs (devant) ; masque (flouté, en arrière-plan).

1er octobre 2021. © Hope Lourie Killcoyne

6. La fumée cause des dégâts matériels

Dans cet exemple, les instruments de surveillance de l'ozone – une menace de plus pour nos poumons mal en point – ont rencontré des problèmes allant de graves interférences pour leur fonctionnement jusqu'à des dommages irréversibles à leurs composants.

7. En 2021, les feux et la fumée émise ont entraîné des urgences inédites

Les feux de forêt aux États-Unis existaient auparavant, mais ils sont en train d'empirer. La situation est encore plus critique en Australie, pays meurtri par les flammes, où le retardement de toute mesure à la hauteur par les hommes et femmes politiques, en plus d'une couverture médiatique insuffisante sur la responsabilité du changement climatique, ont permis de galvaniser les détracteur·rices de l'écologie après chaque incendie.

Aux États-Unis, entre 1983 et 2020, la superficie brûlée par les feux de forêts dans l'Ouest a presque été multipliée par dix.

L'un des feux de forêt (jusqu'à présent) – le Bootleg Fire, dans l'Oregon – a même crée son propre climat, en produisant des éclairs et en libérant d'énormes quantités de fumée.

L'association toxique du changement climatique, des feux de forêts et des hauts niveaux de pollution de l'air conduit même certain·es chercheur·euses à utiliser un nouveau terme : « vague de fumée ».

8. Les feux contribuent aux températures élevées dans l'avenir

Les États-Unis ne sont pas les seuls concernés, et les incendies ne sont pas le seul problème. Le monde entier devrait s'inquiéter. Il est question d'un rapport clair, percutant et alarmant des Nations unies dans le New York Times : « A Hotter Future Is Certain, Climate Panel Warns. But How Hot Is Up to Us ».

9. Les dégâts provoqués par les changements climatiques sont irréversibles

Le GIEC – qui appelle à agir depuis 1990...étiez-vous déjà né·e ? – a publié un rapport expliquant en détail pourquoi il est urgent de prendre des mesures d'atténuation immédiates.

Vous pouvez visualiser l'état de n'importe quel endroit de la planète grâce à leur carte interactive.

Soyez la lumière, pas la flamme.

22 avril 2021. © Hope Lourie Killcoyne

Coincée dans une poubelle, une pancarte d'un vert vif affichant Fuck Apathy se dresse dans le parc Washington Square, à New York. Que vous inspire son emplacement ? De l'ironie ? De la confusion ? De la motivation ?

À l'image des tours jumelles du World Trade Center, rien n'est impérissable. Il est bien plus facile de détruire que de créer. Mais n'oubliez surtout pas : la destruction ne suppose pas toujours une action directe, planifiée et violente, mais prend parfois la forme d'actions indirectes, non prévues et passives...Elle se produit quand on ne fait rien.

Par conséquent, notre meilleure chance d'anticiper, voire d'empêcher, plus de dégâts est de nous unir et de changer les choses : nous devons nous rebeller contre le statu quo.

Souvenez-vous : les frontières ne signifient rien pour le feu et la fumée. Qu'est-ce qui est nécessaire pour éteindre des feux ? Des actions. Et c'est précisément d'actions dont nous besoin pour prévenir ceux-ci. Plus nous serons proactif·ves pour empêcher les dommages, moins nous devrons être réactif·ves.

Nous avons du pouvoir. Vous avez du pouvoir. Si vous vivez dans un pays où la liberté est célébrée, agissez. Avec amour. Ensemble.


À propos de la rébellion

extinction rebellion est un mouvement international, décentralisé, autonome, et apartisan, ayant recours à l’action directe non-violente pour faire pression sur les gouvernements, afin qu’ils prennent enfin les mesures radicales nécessaires pour faire face à l’urgence écologique et climatique. Notre mouvement est composé de toutes sortes de personnes aux profils variés, qui participent selon leurs capacités et disponibilités. Il y a des chances pour qu'il y ait un groupe local près de chez vous, qui serait ravi que vous vous fassiez connaître ! S'impliquer …ou vous pouvez aussi faire un don.