Il ne suffit pas d'y croire. Pour que les choses changent, il faut être prêt à défendre ses idées.
- Edward Snowden
La situation semble désespérée, et il apparait que ni vous ni moi ne puissions y faire quoi que ce soit.
L'époque que nous vivons actuellement n'a pas l'exclusivité de ce sentiment d'impuissance. L'Histoire regorge de situations similaires et de personnes qui se disaient la même chose, de citoyens ordinaires qui acculés devant tant d'injustice, sont passés à l'action pour faire pression sur les tenants du pouvoir.
Il est de notre devoir, de notre obligation morale, de nous opposer à des situations des politiques, économiques ou sociales foncièrement injustes. Nombre des droits que nous considérons comme acquis l'ont été suite à des mouvements de protestation ayant obtenu gain de cause, qu'il s'agisse des droits de l'homme, des droits des femmes, des droits des travailleurs...
Faire advenir le changement ne s'accomplit guère sans lutter, mais c'est possible.
Qu'est-ce que la désobéissance civile ?
La désobéissance civile, c'est s'opposer activement, et de façon non-violente aux diktats imposés par les gouvernements. C'est leur faire savoir que l'on s'oppose à ces injustices, et que les citoyennes et citoyens enfreindront la loi s'ils y sont poussés.
La désobéissance civile génère des perturbations et attire l'attention, tout en forçant le débat afin de suciter des changements fondamentaux et progressifs au sein de nos sociétés et dans le monde.
Les actions de désobéissance civile ne sont pas nécessairement extrêmes. Nous pouvons toutes et tous nous engager dans l'activisme. Des actions plus modestes peuvent être suivies d'actions de plus grande envergure, et peuvent être une source d'inspiration pour les personnes qui ne savent pas où concentrer leurs vélleités d'engagement, ainsi que contribuer à ouvrir les esprits, et à générer des changements au niveau mondial.
Ces quinze exemples de mouvements de désobéissance civile s'étalent sur près d'un siècle. De l'action individuelle d'une jeune femme de Montgomery, aux protestations de masse de milliers de personnes en Écosse et au Soudan, tous ces militants se sont réunis autour d'une même cause, revendiquant la justice, et le droit à vivre dans un monde meilleur.
1. La lutte des femmes pour obtenir le droit de vote, Royaume-Uni, 1928
Considérées comme le sexe faible, les femmes n'ont pas le droit de vote, et n'ont ni pouvoir, ni leur mot à dire sur la façon dont leur monde est gouverné. Face à cette injustice, elles décident de riposter.
Des actes, pas juste de belles paroles !
La lutte pour le droit de vote des femmes au Royaume-Uni a réuni des groupes du mouvement syndical des femmes, et de la NUWSS (l'Union Nationale des sociétés pour le droit de vote des femmes. Ayant foi en la désobéissance civile, la NUWSS a perturbé le Parlement, s'est enchaînée aux grilles, a distribué des pamphlets, et organisé des manifestations et des conférences.
L'instance plus militante de la WSPU (Union sociale et politique des femmes), était prête à recourir à toutes les tactiques nécessaires, ce qui pouvait inclure des actions directes parfois violentes.
Lorsqu'elles étaient arrêtées, les suffragettes continuaient à résister en ayant recours à des grèves de la faim.
Bien que les suffragettes soient souvent présentées comme ayant appartenu aux classes dominantes, des milliers de courageuses femmes issues de la classe ouvrière ont fait d'énormes sacrifices personnels pour le mouvement, et les sanctions à leur encontre étaient souvent plus déshumanisantes que celles infligées aux femmes des classes dites supérieures.
Toutes les femmes ne pouvaient pas se permettre ce sacrifice. Beaucoup avaient une famille à charge, ou travaillaient de longues heures comme domestiques ou à l'usine, avant de rentrer chez elle s'occuper des enfants et de leur foyer.
La loi de 1918 sur la représentation du peuple (Representation of the People Act) a accordé aux femmes de plus de 30 ans le droit de vote en Grande-Bretagne. Le plein suffrage, c'est-à-dire le droit de vote à partir de 21 ans, a été adopté en 1928, conformément à celui des hommes,.
Les suffragettes ont obtenu gain de cause en Grande-Bretagne après des années de protestation, de lutte et de difficultés incroyables. Chaque femme avait choisi son rôle, et chaque rôle était important.
Trente-cinq ans plus tôt, en 1893, les femmes de Nouvelle-Zélande avaient été les premières à accéder au droit de vote. Quant à l'Arabie saoudite, elle a accordé le droit de vote aux femmes en 2015. La révolution peut prendre des décennies, mais lorsqu'elle a finalement lieu, elle peut influencer durablement le cours de l'histoire.
Droits des femmes—Rédigés et votés par des hommes. Domaine public.
2. La marche du sel, Inde, 1930
Contraints de payer de payer un impôt extrêmement élevé sur cette denrée de première nécessité qu'est le sel, des milliers d'Indiens suivent un seul homme sur le long chemin de la victoire et de l'indépendance.
Faire valoir le droit face à l'usage de la force
Sous domination britannique, la loi de 1882 sur le sel interdisait aux Indiens, de collecter, de produire ou de vendre du sel. Les plus pauvres étaient les plus affectés, ne pouvant pas se permettre d'en acheter, tant ce minéral vital au métabolisme humain dans les climats chauds et humides , était lourdement taxé, et ceux qui enfreignaient la loi étaient emprisonnés.
Le Mahatma Gandhi a quitté son ashram à Sabarmati le 12 mars 1930 accompagné de 78 disciples, pour être finalement rejoint par des dizaines de milliers d'autres tout au long de cette marche de 380 km pour gagner l'Océan Indien.
En ramassant une poignée de sel à son arrivée dans la ville côtière de Dandi le 6 avril, Gandhi enfreint ouvertement la loi des britanniques, et instaure ainsi le satyagraha, un principe philosophique d'opposition non violente, axé sur la vérité.
Des milliers d'autres ont suivi l'exemple de Gandhi dans ce mouvement de désobéissance civile, et produit, acheté et vendu du sel illégalement dans toute l'Inde. 60 000 contrevenants pacifiques ont été arrêtés, y compris Gandhi, ce qui a permis de sensibiliser la communauté internationale à la situation en Inde.
La Marche du sel et le mouvement de désobéissance civile qui s'ensuivit ébranlèrent les fondations de l'Empire britannique, tout en marquant un tournant décisif vers la déclaration d'indépendance de l'Inde en 1947. Une action de désobéissance civile simple qui n'en était pas moins un geste de défi, entrepris par de valeureux citoyens dotés de fortes convictions, et s'affirmant courageusement face à une des plus grandes puissances mondiales.
Gandhi ramassant du sel sur la côte du Gujarat. Avril 1930. Photo libre de droits, domaine public.
3. Défier les lois ségrégationnistes, États-Unis, 1955-56
Le jour où une jeune étudiante noire américaine reçut l'ordre de céder sa place à une femme blanche dans un bus, les abolitionnistes lui donnèrent la force de rester à sa place.
L'Histoire m'avait collé à mon siège
 l'âge de 15 ans, la jeune Claudette Colvin est devenue la première femme noire refusant de céder sa place à une femme blanche dans un bus de Montgomery, en Alabama.
Claudette Colvin a déclaré qu'elle avait senti les mains des abolitionnistes Harriet Tubman et Sojourner Truth la maintenir clouée à son siège. Traînée hors du bus, victime de traitements racistes et sexistes, elle fut arrêtée et enfermée dans une prison pour adultes.
Suite à l'arrestation de Rosa Parks neuf mois plus tard pour la même raison, le Conseil politique des femmes (WPC), un groupe de femmes noires luttant pour les droits civiques, a diffusé 50 000 tracts appelant au boycott des bus de Montgomery, et lorsque l'annonce du boycott s'est répandue, les dirigeants noirs américains de Montgomery ont commencé à les soutenir.
Du 5 décembre 1955 au 20 décembre 1956, environ 40 000 noirs américains ont refusé de voyager dans les bus de Montgomery. Bien que beaucoup aient choisi de marcher, des covoiturages se sont organisés, et les chauffeurs de taxi noirs de la ville leur facturaient la course au même prix qu'un ticket de bus.
Déterminés à continuer de protester jusqu'à ce que la ville accepte leurs revendications, ils exigeaient l'embauche de chauffeurs de bus noirs, et une politique du premier arrivé, premier servi. Finalement, c'est un groupe de cinq femmes de Montgomery qui a poursuivi la ville devant le tribunal pour faire totalement invalider les lois ségrégationistes.
En décembre 1956, la Cour suprême des États-Unis déclara que les lois ségrégationistes sévissant en Alabama étaient anticonstitutionnelles (mais cela ne s'appliquait hélas pas aux bus qui voyageaient d'état en état). Le procès, qui met fin au boycott, a en partie été étayé par le témoignage de Claudette Colvin.
De nombreuses autres actions s'ensuivirent, notamment celle des Freedom Riders en 1961, et la Marche des enfants à Birmingham en 1963 entre autres, lors desquelles des centaines de personnes furent violemment agressées, arrêtées, et emprisonnées.
Ce n'est qu'en 1964 que les lois ségrégationnistes, connues sous le nom de Jim Crow laws furent définitivement abolies par l'adoption de la loi sur les droits civiques.
4. La grève de Wave Hill, Australie, 1966 - 1975
Deux cents personnes se révoltent contre des conditions de travail déplorables, et s'installent sur des terres ancestrales, refusant de partir, tant qu'elles n'auront pas été restituées aux peuples autochtones.
Sans nos terres, nous ne sommes rien
Vincent Lingiari, chef Gurindji titulaire de l'autorité culturelle de son peuple, a conduit deux cents employés agricoles autochtones, loin de la ferme d'élevage de Wave Hill, dans le nord du territoire, pour protester contre leurs rémunérations dérisoires, leur misère, et des décennies de mauvais traitements. Ils ont installé un campement à Daguragu, refusant de partir malgré avoir reçu l'ordre de libérer les lieux, et leur grève s'est poursuivie pendant sept ans.
La mobilisation menée sans relâche par Vincent Lingiari auprès des dirigeants politiques a intensifié le mouvement de grève, et reçu le soutien de nombreux australiens n'appartenant pas à la communauté aborigène. Elle instigua l'instauration des droits sur la terre du Territoire du Nord, promulgués dix ans plus tard, en 1975, quand 3300 km2 furent les premières terres restituées au peuple Gurindji.
En 1976, [la loi sur les droits aborigènes sur la terre -Territoire du Nord](https://www.nma.gov.au/defining-moments/resources/aboriginal-land-rights-act#:~:text=In%20December%201976%20the%20federal,traditional%20 ownership%20could%20be%20proven.) fut signée, autorisant les autochtones à revendiquer leurs terres ancestrales.
Une mobilisation des droits des travailleurs qui a abouti à une victoire en matière de revendications de droits à la terre.
5. On voudrait juste boire un verre, États-Unis, 1966
Quatre hommes entrent dans un bar et commandent à boire. On refuse de les servir sous prétexte qu'ils sont homosexuels. Ils sont prêts à être arrêtés pour s'assurer que leur histoire est relayée et diffusée.
Bonjour, nous sommes homosexuels
En 1966, à New York, il était illégal de servir de l'alcool aux homosexuels. Sous couvert d'une loi sur les troubles à l'ordre public, la ville était "nettoyée", les bars fréquentés par des homosexuels fermés, et leurs clients arrêtés par la police, ruinant ainsi bon nombre de vies.
Dick Leitsch, une figure marquante dans la lutte pour les droits des homosexuels, est entré dans un bar, le Julius à Greenwich Village, accompagné de trois amis de la Mattachine Society, John Timmins, Randy Wicker et CraigRodwell. Après avoir déclaré qu'ils étaient homosexuels , ils ont commandé à boire. On estime que ce fut la première action de désobéissance civile menée par des homosexuels.
On a refusé de les servir, et l'histoire a fait le tour des médias. Au bout d'un an, les tribunaux de l'État de New York ont finalement mis un terme à cette pratique, consistant à retirer les licences d'alcool à ces bars sous prétexte de lobbying homosexuel, ouvrant ainsi la voie à l'ouverture officielle de bars gays autorisés à en vendre.
Les actions de M. Leitsch ont contribué à déjouer les pièges tendus, tout en encourageant les voies de recours juridiques face à des accusations uniquement fondées sur des témoignages de la police.
Dick Leitsch, 1966. Photographe inconnu.
Influencés par les sit-in des activistes noirs du mouvement pour les droits civiques pour mettre fin à la ségrégation raciale aux comptoirs des restaurants, ce fut un parfait exemple illustrant combien l'action civile et non-violente de quatre courageuses personnes, a fini par conduire à un changement sociétal, et à une réorientation des mentalités au sein du grand public.
6. Manifestations pour le retrait de la marine américaine de l'île de Culebra, Porto Rico, 1970
Alors qu'une superpuissance mondiale ravage une petite île à coups de tirs et de bombardements, ses habitants déterminés refusent d'abandonner le combat pour récupérer leurs propriétés.
L'île de Culebra pour les insulaires
En 1970, les habitants de l'île de Culebra ont entamé une série de protestations contre la marine américaine qui avait fait de l'île une de ses bases d'entraînement militaire.
La marine s'était appropriée 1000 des 3500 hectares de l'île pour en faire une base d'entrainement aux tirs et aux bombardements, expropriant nombre d'habitants, et rasant leurs maisons pour ériger des cibles de tirs. Une zone d'exclusion de près de 5km a été établie autour de l'île, emprisonnant les 700 habitants qui y résidaient, qui ne pouvaient quasiment plus pêcher, et dont les pâtures se retrouvaient sur des terres réquisitionnées par la marine.
Le magazine LIFE a couvert "les déflagrations de bombes de 200 kilos ... les jets déchirant le ciel, les tirs de mitrailleuses assourdissants, les roquettes hurlantes, les obus navals à triple explosion". Les manifestants protestaient contre ces missions de bombardement, qui se déroulaient souvent sept jours sur sept, et qui faisaient que l'île de Culebra était devenue invivable.
Refusant de renoncer à revendiquer l'ensemble du territoire de l'île, les manifestants ont construit une chapelle en seulement trois jours, et en n'utilisant que des outils rudimentaires sur Flamingo Beach, une importante zone de tirs interdite d'accès. Malgré l'ordre de la police fédérale américaine d'évacuer le site, ils n'ont pas obtempéré, et six personnes ont été arrêtées. Six jours plus tard, la marine démolissait la chapelle.
Les manifestants ont alors illégalement occupé des zones interdites, dont Flamingo Beach, pendant plusieurs semaines. Ceux qui avaient besoin de nouvelles maisons squattaient les terres de la marine, sur lesquelles ont aussi été crées des terrains de sport et des cimetières.
Rubén Berríos, le président du Parti de l'Indépendance de Porto Rico et leader de la protestation, ainsi que treize autres personnes, ont été condamnés à trois mois de prison à Porto Rico, pour désobéissance civile et violation de propriété privée.
En 1974, tous les partis politiques de Porto Rico ont demandé que la marine américaine cesse ses opérations et quitte l'île. Nixon, alors président des États-Unis fut contraint d'ordonner à la marine de quitter l'île, ce qu'elle fit finalement en décembre 1975.
Encore un exemple de quelques centaines de personnes courageuses et déterminées résistant fermement à une superpuissance mondiale.
Forêt de Pureora, Waikato, Nouvelle-Zélande. Crédit photo : Buffy May
7. Occupation d'arbres dans la forêt de Pureora, Nouvelle-Zélande, 1978
Un groupe d'amis et d'activistes s'installe dans les branches d'arbres millénaires, encerclés par des bulldozers et des tronçonneuses qui s'activent juste en-dessous, prêts à détruire la forêt.
Il n'y a pas d'autre recours possible
Dans les années 1970, en Nouvelle-Zélande, des groupes de défense de l'environnement commencé à cibler leurs actions sur l'exploitation forestière, responsable de l'éradication des deux tiers des forêts primaires depuis le XIXème siècle. L'industrie forestière néo-zélandaise représente toujours à l'heure actuelle 1,1 % du bois industriel produit dans le monde, et 1,3 % du commerce mondial de produits dérivés de l'exploitation forestière.
Une pétition comptant environ 350 000 signatures fut présentée au Parlement, exigeant l'arrêt de l'exploitation forestière, et la reconnaissance juridique des forêts primaires, mais malgré cela, tout le bois exploitable des forêts millénaires de Pureora allait être commercialisé.
Lors de cette toute première occupation d'arbres, les activistes Steven King, Shirley Guildford et d'autres militants du Conseil national de protection des forêts sont passés à l'action pour lutter contre contre la destruction de la forêt de Pureora.
Obtenant des permis de camper en forêt, ils ont agi rapidement, et se sont hissés dans la canopée de six totaras, exigeant que la forêt de Pureora soit épargnée. Refusant de partir, ils ont construit cabanes et plateformes dans les arbres de la zone, et certains bloquaient l'accès aux arbres, faisant rempart de leurs propres corps. Le fait qu'ils se soient déployés si vite a joué en leur faveur, dans la mesure où ils ont pu s'installer avant que les autorités ne puissent réagir.
Leur action a permis d'alerter à la fois l'opinion publique et le gouvernement, sur la destruction des habitats naturels, la perte de biodiversité, et la vulnérabilité de l'environnement.
Cette modeste action de désobéissance civile entreprise par une poignée de personnes qui avaient conscience que ce n'était pas des pétitions ou de longs débats qui allaient faire reculer les bulldozers et les tronçonneuses, a conduit le gouvernement à établir un moratoire sur l'exploitation forestière, et finalement, à l'arrêt de l'exploitation des forêts primaires, et à la création du Parc de la forêt de Pureora en 1978. La plateforme de protestation Treetop est toujours accessible de nos jours.
8. Résistance à la toxicité de l'exploitation minière, Estonie, 1987
Étudiants et scientifiques se soulèvent contre le tout puissant régime soviétique pour débarrasser leur pays de ces grosses exploitations minières qui les exploitent et les polluent.
Phosphorite ? Non merci !
Dans les années 60, l'Union soviétique a commencé à exploiter les riches gisements de phosphorite en Estonie pour approvisionner l'industrie des engrais chimiques agricoles. À cette période, les nappes phréatiques du pays ont été contaminées par de vastes opérations de forages par fracturation hydraulique (extraction de gaz de schiste ). Le fluide de fracturation hydraulique, utilisé pour extraire le gaz, est un cocktail de produits chimiques comprenant des biocides, et l'eau de fracturation contaminée contient des matières radioactives. Cette technique rejette aussi d'autres substances toxiques dans l'atmosphère, dont il a été établi qu'elles causaient des malformations congénitales, des problèmes neurologiques, et des cancers.
En 1987, grâce à une chaîne d'infos locales, les estoniens ont eut vent des plans soviétiques de construction d'une énorme mine de phosphorite à Virumaa. Les dirigeants soviétiques estoniens avaient déjà été sévèrement critiqués auparavant pour avoir dissimulé des informations, et cette nouvelle a déclenché une vaste campagne de protestation connue sous le nom de "guerre de la phosphorite".
Dans un premier temps, la censure soviétique a bloqué les informations relatives au mouvement de contestation, mais la presse est progressivement passée outre la censure du Parti communiste, et a soutenu le mouvement national s'opposant à la mine de phosphorite. Les scientifiques de l'Académie des sciences d'Estonie, sous l'égide d'Endel Lippmaa, ont relayé l'information de la contamination de 40 % des réserves d'eau en Estonie.
Le mouvement de protestation a atteint un pic au printemps 1987, lorsque de courageux étudiants de l'université de Tartu ont organisé deux manifestations pacifiques, brandissant des pancartes et portant des T-shirts avec le slogan "Phosphorite ? Non merci !", distribuant tracts et articles de journaux, et rejoints par des musiciens estoniens entonnant des chants devenus le symbole de la lutte.
À l'automne 1987, les dirigeants estoniens sont parvenus à un accord avec le puissant gouvernement soviétique pour stopper la construction de la mine. Ce fut la première manifestation d'ampleur en Estonie, qui encouragea la résistance contre l'Union soviétique, et conduisit au retour de l'indépendance estonienne en 1991.
La guerre de la phosphorite a été l'une des étapes les plus importantes de l'histoire estonienne en matière de protection de l'environnement. Elle a fédéré le peuple estonien, et régénéré un sentiment d'identité, prouvant ainsi la puissance de l'action collective, et plus encore le libérant du joug de la peur.
"Notre petite république ne sera pas forée ! Assez joué avec nous ! L'indignation monte ! Lettre écrite par un manifestant estonien. Crédit photo : Triin Tark.
9. Rejet de la Poll tax (impôt individuel), Royaume-Uni, 1989 - 1990
Tout le Royaume-Uni se rassemble pour organiser une résistance farouche et lutter contre une mesure discriminatoire imposée par un ennemi commun : le gouvernement britannique.
On ne peut pas payer ! On ne paiera pas !
L'impôt individuel, ou impôt par tête (poll tax) (Community Charge) a d'abord été instauré en Écosse en 1989, un an avant qu'il soit mis en place en Angleterre et au Pays de Galles. Il s'agissait d'un impôt forfaitaire unique dont chaque adulte était redevable indépendamment de ses revenus.
Les ménages à faibles revenus se sont donc retrouvès acculés à devoir payer plus d'impôts que les foyers plus favorisés. L'exemple du Duc milliardaire de Westminster qui était redevable de la même somme à payer que son chauffeur a été largement relayé.
Dès sa mise en place, le 1er avril 1989, les écossais se sont farouchement opposés à cet impôt, et ont lutté longuement et ardemment pour qu'il soit aboli.
Le 31 mars 1990, à Glasgow, 50 000 personnes ont défilé pacifiquement dans le centre de la ville pour protester contre cet impôt forfaitaire. Une campagne de résistance organisée a littéralement empêché les conseils municipaux de faire appliquer le paiement de cette taxe, et la police était dans l'impossibilité physique d'arrêter la masse de contrevenants. Bloquer les maisons et les propriétés privées des shérifs désignés par la cour furent des actions clefs de cette lutte en Écosse.
Anglais et gallois s'inspirèrent du mouvement de protestation en Écosse, mais cela ne se passa pas aussi pacifiquement. Une marche à Londres dégénéra en une des pire émeutes comme la ville n'en avait plus connu depuis un siècle, et lors de laquelle 340 personnes furent arrêtées et 113 blessées.
La Première ministre Margaret Thatcher a été vivement critiquée pour cette désastreuse mesure politique et fiscale, et a finalement démissionné. Son successeur, John Major, a remplacé cet impôt forfaitaire par tête, par un système de taxe communale calculée sur la valeur du patrimoine immobilier.
Fin 90, on estimait que 4 millions de personnes avaient refusé de payer cet impôt forfaitaire de la poll tax, et beaucoup d'entre elles avaient purgé des peines de prison. Ce fut un ardent mouvement de contestation populaire, qui a réuni des personnes de profils très variés au sein de toute la société. De même que pour les protestataires cités précédemment, certains ont estimé qu'ils n'avaient d'autre choix que de résister, même si cela pouvait signifier faire face face à des attaques, des arrestations, voire des séjours en prison.
C'est le refus de payer cet impôt qui a paralysé le système de l'intérieur, et réussi à stopper la machine.
Manif contre la poll tax. Photographe inconnu.
10. Droit des brevets et questions éthiques, depuis 1998 jusqu'à aujourd'hui
De grands groupes corporatistes s'emparent de la brevetabilité des semences pour tenter de contrôler notre alimentation. De courageux agriculteurs sont prêts à tout perdre pour s'y opposer, démontrant ainsi que de petites victoires peuvent être une grande source d'inspiration.
La protection des semences : un acte politique
En vertu de la législation internationale, les agriculteurs qui ont cultivé et partagé des semences pendant des milliers d'années se voient rapidement pénalisés pour leurs actions.
Les dix plus grands groupes de production semencière dans le monde ont le monopole des trois quarts du marché des semences commercialisées. Vandana Shiva, l'activiste qui lutte pour la sauvegarde de l'environnement et de la paysannerie, appelle à refuser de reconnaître des lois contraires à l'éthique qui privent les gens du droit de conserver, et d'échanger des semences, s'appuyant sur le fait que ceux qui contrôlent l'alimentation à l'échelle internationale contrôlent le monde.
Dans un tel contexte, agriculteurs et paysans perdent leur autonomie. Ils sont obligés d'acheter des semences régulées par les groupes de semenciers. Les semences Terminator, par exemple, sont génétiquement modifiées pour devenir stériles après la première germination. Elles sont chères et requièrent l'utilisation d'herbicides et d'engrais chimiques, évidemment fournis, à un prix très élevé, par ces mêmes corporations de semenciers. L'année suivante, l'agriculteur se voit ainsi forcé d'acheter plus de semences et plus d'engrais. Ceux qui ne sont pas encore inéluctablement ruinés, deviennent un maillon de la chaîne de production de ces grands groupes corporatistes.
Maintenir la biodiversité au sein de l'agriculture est fondamental compte tenu des enjeux auxquels le monde fait face aujourd'hui : nouvelles souches de maladies, catastrophes environnementales dues au bouleversement écologique et climatique, problématiques socio-économiques... La capacité d'adaptation des cultures est le fondement de la survie de la planète. Pourtant, au cours du XXe siècle, selon la FAO, environ 75 % de la diversité des cultures a disparu du fait de la privatisation et de l'extension des monocultures - la culture d'une seule espèce sur les mêmes terres, année après année.
La résistance à la privatisation des semences est mondiale. Les agriculteurs développent des systèmes de semences localement, risquant des amendes et des peines de prison pour les avoir stockées et partagées. Ils organisent des marches, font la grève, refusent de céder, paient des amendes, vont en prison, et parfois ils obtiennent gain de cause ! Ces victoires peuvent sembler mineures, mais elles sont fondamentales pour celles et ceux qui sont concernés.
Ces paysans ne changeront peut-être pas le monde d'un coup, mais ils continuent de contribuer à changer les mentalités, ce qui peut conduire, et conduit manifestement à changer le monde.
11. La révolte du monde paysan, France, 1999
Un éleveur de moutons français trouve un moyen symbolique de protester contre l'invasion de multinationales en démantelant un McDo brique par brique.
Lutter contre la MacDomination
En 1999, José Bové, accompagné de 300 collègues démantèle un McDonald's en construction à Millau, dans l'Aveyron. Une action symbolique pour protester contre la mondialisation et la disparition de la souveraineté alimentaire au profit des multinationales -à savoir le droit à une alimentation saine, diversifiée, locale et produite selon des méthodes durables- menée non seulement au nom des producteurs français, mais aussi pour ceux du monde entier.
Cette action de José Bové a mobilisé une armada de paysans activistes, et s'inscrit plus largement dans le cadre d'un vaste mouvement de protestation visant à dénoncer et perturber l'introduction massive des monocultures et des semences génétiquement modifiées en Europe.
Le jour de son procès à Millau, José Bové est arrivé dans un char à bœufs, brandissant une grande meule de Roquefort, après 6 heures de trajet à la tête d'un convoi de tracteurs. C'est en tenue de bagnard qu'il s'est présenté devant la prison où il devait purger une peine de trois mois, acclamé et applaudi par des centaines de sympathisants qui l'avaient escorté jusque-là.
Il a eu recours à la désobéissance civile non violente pour attirer l'attention sur les injustices, et en purgeant une peine en prison, il a obtenu le soutien de milliers de personnes. Il a exploité le terrain des profondes craintes liées à l'insécurité alimentaire en France, en pointant et en s'opposant à ce que beaucoup considéraient comme une menace pour le patrimoine culturel français.
Cet éleveur de moutons militant, leader de la Confédération Paysanne, a initié un mouvement de protestation international comprenant les Associations pour le maintien de l'agriculture paysanne et La Via Campesina, un mouvement paysan international. Ces organisations continuent de revendiquer la protection des droits de l'homme, y compris le droit de pouvoir contrôler l'approvisionnement et la sécurité alimentaires.
Bové a été un pionnier de la résistance contre la culture des OGM en France et en Europe, qui a obtenu gain de cause. (L'Espagne et le Portugal sont les seuls pays européens à autoriser les cultures d' OGM sur leurs sols). Il a aussi été eurodéputé au Parlement Européen pour le Groupe des Verts/Alliance libre européenne , de 2009 à 2019.
Séville 2012. Photo de l'auteure
12. Résistance aux avis d'expulsion, Espagne, 2008 jusqu'à aujourd'hui
Citoyennes et citoyens forcés revendiquent leurs droits en luttant contre les avis d'expulsions, puisque ni le gouvernement ni les banques ne font quoi que ce soit pour venir en aide à une population de plus en plus démunie.
Le gouvernement renfloue les banques : La plateforme PAH renfloue les gens
Environ 250 000 saisies de biens immobiliers et avis d'expulsion ont été prononcés en Espagne entre 2008 et 2012. En 2013, il y a eu une moyenne de 184 expulsions par jour.
La PAH (Plateforme des personnes affectées par les hypothèques (PAH), ainsi que d'autres instances luttant contre ces avis d'expulsion, ont été créées en réaction à l'échec du gouvernement espagnol à faire respecter le droit constitutionnel de ces ressortissants à bénéficier d'un logement pérenne et abordable.
La PAH avait pour objectif d'empêcher l'expulsion systématique de dizaines de milliers de personnes endettées dans toute l'Espagne, et à transformer les logements hypothéqués en logements locatifs abordables, tout en réformant la loi sur les crédits immobiliers, qui accordait aux banques le droit de réclamer l'intégralité du paiement de la dette, même une fois que les habitants avaient été expulsés de leurs logements.
La puissance de ce mouvement reposait sur de solides fondations sociales, et les réunions hebdomadaires ont encouragé les gens à partager informations et expériences relatives au processus d'expulsion.
La PAH avait la capacité de mobiliser très rapidement des dizaines de manifestants et de les appeler à se rassembler devant les propriétés concernées par des avis d'expulsion pour faire blocage. La PAH a réoccupé des logements vides appartenant à des banques pour héberger des familles expulsées. Huit mois après le début de l'occupation collective, 20 immeubles avaient été occupés pour abriter 1049 personnes.
Ces tactiques d'activisme politique se sont vues légitimisées, les banques espagnoles ayant été renflouées avec des fonds publics. La PAH et ses sympathisants ne considéraient pas ces occupations comme illégales, mais comme des réappropriations légitimes.
En plus de manifestations très organisées, de tribunes, et d'interactions avec les médias et les institutions publiques, la PAH a pris part à des "escraches" qui ont porté à controverse, devant des maisons de politiciens, et devant la Cour de justice européenne, pour exiger que la législation espagnole sur les crédits immobiliers soit modifiée. Le terme escraches est utilisé dans les pays hispanophones pour désigner des rassemblements organisés devant les sièges ou propriétés privées de politiciens ou autres dirigeants, afin de les dénoncer publiquement.
Cette campagne anti-expulsion est parvenue à remettre en question la rhétorique de l'État, des banques et des promoteurs immobiliers. Les protestations ont touché le cœur même de la structure du pouvoir en Espagne en dénonçant les mesures d'expropriation par des organismes de financement privés soutenus par l'État.
En 2013, la Cour de justice européenne a apporté son soutien à l'initiative populaire pour une réforme de la législation, initiée par la PAH, obligeant le gouvernement espagnol à modifier la loi sur les crédits immobilliers et la procédure civile afin de rétablir
un équilibre entre les banques et les personnes endettées.
13. Désobéissance civile numérique, ÉTATS-UNIS, 2013
Un homme sacrifie sa liberté pour dévoiler ce que nos gouvernements sont en train de faire, à savoir nous observer, nous écouter, et collecter nos données pour nous manipuler et nous contrôler.
Le dernier recours des lanceurs d'alerte, garants de la démocratie
Edward Snowden, spécialiste en cybersécurité, a rendu publics et révélés près de dix mille documents de l'Agence de sécurité nationale (NSA) classés top-secret lorsqu'il était employé chez Booz Allen Hamilton.
Avant de réveler ces informations hautement confidentielles relatives aux programmes de surveillance menés par le gouvernement des États-Unis (avec la coopération des sociétés de télécommunications et des gouvernements européens), Snowden avait pourtant exprimé ses craintes quant à ces pratiques contraires à l'éthique.
Son objectif était d'alerter le monde entier sur la surveillance généralisée et anticonstitutionnelle, ainsi que sur les atteintes à la vie privée que cela impliquait, estimant que si les gouvernements ne représentaient pas les intérêts du public, il était de son devoir de le faire.
Les révélations de Snowden ont initié cinq années de révolution technologique chez les géants de la Silicon Valley, soucieux de regagner la confiance de leurs utilisateurs. Apple a été le premier à modifier sa politique de confidentialité et ses pratiques de cryptage et de sécurité.
Ces révélations n'ont certes pas mis fin à la surveillance du gouvernement. La lutte contre les violations de la vie privée et le recueil de données continue, mais les agissements de Snowden ont éveillé les consciences, et sensibilisé les gens aux pratiques délictueuses perpétuées par les gouvernements, suscitant un débat de fond sur les violations des libertés civiles. Après avoir été menacé de mort, et qualifié de traître par beaucoup, Snowden est toujours contraint de vivre en exil à Moscou.
Edward Snowden a agi seul, se mettant très courageusement dans une position d'extême vulnérabilité, pour dévoiler ces injustices qui nous affectent tous.
14. La révolution populaire, Soudan, 2019
Après des décennies sous le joug d'une dictature brutale, le peuple soudanais se soulève et se mobilise dans un mouvement de résistance et de désobéissance civile : un âpre combat.
Nous reconstruirons le Soudan
Le 11 avril 2019, un soulèvement populaire non-violent et pro-démocratique conduit par des milliers de Soudanais, est parvenu à renverser Omar al-Bashir, un abject dictateur qui a régné pendant 30 ans, avec l'appui de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Pendant qu'il était au pouvoir, l'économie s'est effondrée, la société a été divisée, et les droits des femmes honteusement ignorés.
La révolte a commencé dans les provinces en réaction à l'augmentation du coût de la vie, et s'est rapidement propagée jusqu'à Khartoum, la capitale. Nord et Sud se sont réunis, sans distinction de classe, d'ethnie ou de croyance religieuse, pour lutter contre le régime. Les jeunes travailleurs du pays étaient en première ligne de l'insurrection, et les femmes en encourageaient d'autres à se joindre à elles pour revendiquer leurs libertés.
Les restaurants, les banques, les magasins ont dû fermer, et les rues étaient désertes, pendant huit mois de grèves, et de manifestations qui exigeaient un système démocratique, la dissolution du Parti du Congrès national (NCP), le respect des droits de l'homme, des réformes économiques, et l'abrogation de la loi sur l'ordre public visant à exclure et à intimider les femmes pour les décourager de participer activement à la vie publique.
Une fois Bashir évincé, le Conseil militaire de transition (CMT) a pris les rênes, et on s'est vite aperçu qu'il n'était pas prêt à abandonner le pouvoir. Le 3 juin, après des semaines de célébrations pacifiques, les forces de soutien rapide ont ouvert le feu sur la foule de manifestants qui faisaientt un sit-in devant le quartier général militaire à Khartoum. Le réseau internet a été coupé pour empêcher les gens de communiquer, et de relayer des informations. Des centaines de personnes ont été massacrées et violées, pour tenter de briser la révolution en en traumatisant ses partisans.
Mais les gens n'ont pas abandonné. Deux semaines après le massacre, la jeunesse s'est réorganisée, appelant à une désobéissance civile accrue, et à une résistance non violente, revendiquant qu'elle ne cesserait pas tant que le pouvoir ne serait pas transféré à un gouvernement civil libéral.
Le 17 juillet, le CMT et les Forces de la liberté et du changement représentant les manifestants, ont signé un accord pour le partage du pouvoir.
15. Les gilet Jaunes, France, 2018-2019
Le président Emmanuel Macron, le plus jeune dirigeant à la tête de la France depuis Napoleon Bonaparte, face à la colère et à l'acharnement d'un mouvement de contestation populaire.
Je suis le peuple.
Le mouvement des Gilet Jaunes est né d'une opposition à une réforme du droit du travail, et en particulier à une augmentation des taxes sur les carburants, mais s'est développé pour revendiquer plus largement la justice sociale et économique. S'organisant via les réseaux sociaux, ces citoyennes et citoyens en colère se sont réunis dans un esprit de solidarité, indépendamment de leurs orientations politiques et de leur statut social.
Suite à la suppression de l'ISF (Impôt Sur la Fortune) en 2017, les revendications fiscales des classes moyennes en difficulté ont augmenté, tandis que les populations rurales étaient confrontées à un taux de chômage très élevé, et à un nouveau ralentissement économique. La réduction des services de transport public dans toute la France a laissé une grande partie de la population dépendante de la voiture individuelle, et les populations rurales, y compris celles qui avaient dû fuir la chèreté de la vie des grandes villes, luttaient pour survivre.
Barrage routier par les gilets jaunes. Photographe inconnu.
En octobre 2018, le chauffeur routier Eric Drouet appelle ses conciyoyens à bloquer des axes routiers dans leurs localités le 17 novembre. L'objectif était d'entraver la circulation afin d'attirer l'attention du gouvernement. Environ 290 000 personnes y ont participé.
En France, la réglementation veut que toute personne motorisée soit munie d'un gilet jaune de signalisation dans son véhicule. Cet item omniprésent est devenu le symbole de la protestation, les conducteurs les affichant sur les tableaux de bord, les accrochant aux fenêtres, et y inscrivant des slogans pour les porter lors de manifestations. Le soutien majeur de la population a fait la force du mouvement des gilets jaunes. Au bout d'un mois, d'après les sondages la moitié du pays soutenait le mouvement de contestation.
Bien que les protestations aient commencé par de la désobéissance civile non-violente, comme les barrages routiers et l'installation de campements provisoires sur les ronds-points, les manifestations gilet jaune ont généré violences et troubles à l'ordre public comme la France n'en avait pas connu depuis belle lurette, et même si la majorité des manifestants était pacifiste et condamnait les actions d'éléments violents, les autorités françaises ont eu recours à un usage disproportionné de la force .
Au terme de quatre semaines de perturbations, le président Macron s'est vu contraint à un revirement significatif, et a du faire des concessions, en annulant la promulgation de la taxe sur les carburants, tout en lançant le Grand Débat National invitant les citoyens à exprimer leurs préoccupations et leurs espoirs relatifs aux politiques françaises.
La désobéissance civile ne signifie pas mépris de la loi. L'essence de la désobéissance civile réside dans le fait de différencier ce qui est légal, de ce qui est légitime. On y a finalement recours lorsque les méthodes de contestation conventionnelles, telles que pétitions, lobbying, marches, vote et manifestations autorisées n'ont pas permis d'obtenir gain de cause.
La stratégie d'Extinction Rebellion repose sur la désobeissance civile disruptive non-violente. Cela n'empêchera pas les gouvernements d'éventuellement faire usage de la force, mais recourir à des tactiques violentes, ces mêmes tactiques que nous cherchons à changer, serait renoncer à notre boussole morale.
Extinction Rebellion continuera de protester et de lutter pour tenter d'enrayer l'extinction de masse en cours, et de minimiser le risque d'effondrement sociétal, ne pouvant se résoudre à rester impassible, les bras croisés, face aux terribles injustices qui déferlent. C'est une question de survie.
Nous travaillons à créer un mouvement inclusif et participatif pour faire advenir le changement, un mouvement qui se développe à la base, dans la rue, dans les foyers, dans les écoles et les lieux de travail, sur internet et dans le monde entier, et qui compte à présent plus de 1146 groupes dans 72 pays.
L'obéissance aux lois justes n'est pas seulement un devoir juridique, c'est aussi un devoir moral. Inversement, chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes.
- Martin Luther King : Lettre de la prison de Birmingham.