Les gens ont tendance à se demander pourquoi Extinction Rebellion (XR) ne propose pas de solutions face à l'urgence écologique et climatique. Une critique revient souvent : il est facile de pointer les problèmes du doigt, mais XR ne s'engage pas dans ce qui est le plus difficile, à savoir : fournir des réponses. Tenter d'enrayer la catastrophe écologique et climatique est certes une mission incroyablement difficile, voire quasi insurmontable, mais ce n'est pas impossible.
Et la vérité, c'est que les solutions existent déjà, alors que ce qui fait défaut actuellement, c'est justement la volonté politique de les mettre en œuvre au plus vite, voilà l'objectif d'XR. XR essaie de forcer un passage à l'action, plutôt que de se contenter de pointer les échecs des gouvernements et des institutions.
© XR Jamaica
Les solutions, nous les avons déjà
C'est une des raisons pour lesquelles nous ne proposons pas de solutions, c'est qu'elles sont déjà bien connues. Inutile de chercher à réinventer la roue quand nous avons déjà des solutions concrètes, et réalisables à disposition.
Nous savons que le dérèglement climatique est dû aux émissions de gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone, et que celles-ci augmentent en raison de l'activité humaine. Afin d'empêcher la poursuite du réchauffement de la planète, nous devons réduire ces émissions. Des organisations telles que le Centre for Alternative Technology au Pays de Galles ont exposé en détail la manière dont nous pouvons réaliser les réductions d'émissions nécessaires. Cela nécessite la mise en œuvre de mesures systémiques telles que mettre fin à l'utilisation des combustibles fossiles, ainsi que des changements individuels tels que réduire notre consommation de viande et de produits laitiers.
L'autre composante majeure de la catastrophe écologique et climatique, c'est l'effondrement de la biodiversité. Nous vivons actuellement en plein dans la sixième extinction de masse de notre planète et, une fois de plus, ce sont les activités humaines qui en sont la cause principale. Nous savons que le déclin de la biodiversité est dû à la destruction des habitats, à l'utilisation de produits chimiques, et au dérèglement climatique entre autres. Sachant quelles en sont les causes, nous savons aussi exactement ce qu'il faut faire pour l'enrayer.
Le problème, ce n'est pas que nous manquons de solutions, c'est la cruelle absence de volonté de les mettre en œuvre, et c'est à ce problème que s'attaque XR.
© Shiraaz Mohamed
Vous ne proposez rien*
*(qui m'aille)
Quand les gens se plaignent du manque de solutions, cela signifie souvent :
- "Je ne connais pas assez bien le sujet."
- "Les solutions qui existent ne me conviennent pas."
"Je ne connais pas assez bien le sujet."
Une rapide recherche sur un moteur de recherche "Quelles sont les solutions au dérèglement climatique ?" offre déjà de nombreuses réponses. Cela va évidemment de pair avec l'avertissement classique comme quoi tout ce qu'on peut trouver sur Internet n'est pas nécessairement vrai. Pourtant, quand on consulte des sources fiables, on obtient généralement des solutions similaires. On trouve également ces mêmes propositions dans de nombreux ouvrages, et articles comme celui-ci, dans des émissions de télé, et des documentaires à ce sujet. On peut même en retrouver certaines dans les programmes de mesures environnementales des gouvernements et des entreprises (bien que, sous une forme plus tiède ou plus diluée que ce que la situation exige). Il faut donc faire preuve d'une certaine vigilance quand on consulte ces derniers. Dans certains cas, le fait que ces solutions soient mentionnées, relève d'un véritable désir de protéger la planète, mais dans d'autres, il s'agit manifestement de greenwashing. La vérité, c'est donc bien que nous savons ce qu'il faudrait faire, nous ne manquons pas de solutions, ce qui nous fait défaut c'est une réelle volonté de les mettre en œuvre au plus vite, et à l'échelle requise.
La première revendication d'XR est d'exiger que les gouvernements relaient la vérité relative à l'urgence écologique et climatique, l'objectif étant de pallier au problème du manque d'informations des citoyens à ce sujet. Il faut que le plus grand nombre possible de personnes soient au courant de la réalité de la situation actuelle, et des mesures nécessaires à mettre en place, pour éviter qu'elle ne s'aggrave. Notre deuxième revendication exige des gouvernements qu'ils agissent maintenant et prennent immédiatement des mesures déployées à grande échelle pour tenter d'enrayer cette catastrophe écologique et climatique .
"Les solutions qui existent ne me conviennent pas."
Puisque ces solutions sont déjà bien étayées, et que beaucoup ont déjà été plus ou moins mises en place, le problème n'est pas tant le manque de sensibilisation. Le problème est bien que de nombreux individus, dirigeants politiques ou d'entreprises ne veulent pas en entendre parler, voire les mettre en œuvre.
Par exemple, il est largement admis que voyager en avion génère beaucoup d'émissions, et que les réduire serait bénéfique pour l'environnement. Des études ont démontré qu'une grande partie de ces émissions étaient l'apanage d'une petite minorité. Il ne fait donc guère de doute que réduire le trafic aérien participe à la solution, mais que le principal obstacle reste la réticence à le faire, et cela se manifeste non seulement à travers le refus de certaines personnes de modifier leurs habitudes, mais aussi à travers la réticence des gouvernements à inciter, ou à imposer ce changement en ayant recours à des moyens tels qu'une taxe grands voyageurs, ou autres mesures.
"Sauver le monde ou le trafic aérien". Photo : XR Suède.
Penser que les membres de mouvements comme XR apprécient ces solutions plus que quiconque, est une erreur. C'est peut-être le cas, mais parfois la seule chose qui les différencie, c'est que ces membres se plient à ces mesures parce qu'elle sont nécessaires, peut-être tout simplement parce qu'ils sont plus au fait des conséquences terribles qui s'ensuivront si on ne met pas ces changements en place.
Cet interview avec un pilote de ligne illustre bien qu'on puisse aimer voyager, et travailler pour l'industrie aérienne, tout en reconnaissant la nécessité d'un changement. Il y a une grande différence entre accepter que quelque chose doive se produire, et s'en réjouir.
Le transport aérien fournit justement un parfait exemple des dangers qu'il y a à se laisser happer par de séduisantes et hypothétiques solutions qui n'existent toujours pas. Il y a très peu de chances que des avions de ligne rentables à faibles émissions soient disponibles dans un avenir proche, mais il y a encore de nombreuses personnes qui préfèrent encore se focaliser sur cette option, qui pourrait théoriquement être développée à l'avenir, mais cela reste de l'ordre du délai incompatible avec la vitesse à laquelle il nous faut réduire les émissions pour éviter un dérèglement climatique catastrophique.
Changeons notre manière d'appréhender l'urgence écologique et climatique
La coupe est à moitié pleine
Considérons l'urgence écologique et climatique comme une maladie : les climatologues nous disent bien que la planète est gravement malade. En revanche, la bonne nouvelle est que la plupart d'entre eux n'estiment pas qu'il s'agisse d'une maladie mortelle (pas encore du moins), et que nous pouvons encore faire beaucoup de choses pour y remédier. En tant que patient, une fois passé le choc initial d'apprendre que nous sommes malades, nous serions probablement ravis d'apprendre qu'il existe des traitements qui peuvent nous sauver, et il est d'ailleurs fort probable que nous voudrions commencer un traitement dès que possible.
C'est exactement dans cette situation que nous nous trouvons rapport à l'urgence écologique et climatique, mais nous ne nous y prenons pas de la même manière. Plutôt que de se réjouir de l'existence d'un traitement, on se focalise sur ses inconvénients. Tout comme le traitement d'une maladie grave, les solutions à la catastrophe climatique peuvent certes avoir un impact négatif sur nos vies, et signifier que les habitants des pays dits riches ne seront plus en mesure de continuer à mener le même mode de vie, ou que les gouvernements ne pourront plus compter sur les mêmes combustibles fossiles néfastes et peu coûteux. Cependant, ces effets indésirables sont beaucoup plus faciles à accepter, une fois que nous admettons simplement la vérité, il est nécessaire d'en passer par là pour nous sauver, et sauver les autres.
Agissons dès maintenant
Nous savons que de nombreuses personnes subissent déjà actuellement les conséquences du réchauffement planétaire, et pourtant, beaucoup cherchent encore à retarder la mise en œuvre de mesures nécessaires. Généralement, quand on nous diagnostique un cancer, on cherche à le traiter le plus rapidement possible, et on ne se demande pas combien de temps on pourrait retarder le traitement, ou jusqu'où on peut laisser la maladie gagner du terrain.
Il nous faut appréhender le dérèglement climatique de la même façon que nous aborderions un cancer diagnostiqué : rien n'est sûr, il n'y a pas de seuil de sécurité, et il nous faut donc prendre des mesures immédiatement avant que la situation ne s'aggrave. On peut aussi pousser cette comparaison en considérant que nous ne pouvons pas prévoir jusqu'à quand, et jusqu'à quel point un traitement sera encore disponible, voire possible. Les différents systèmes de la nature sont intrinsèquement reliés, de manière incroyablement complexe, et des boucles de rétroaction climatique peuvent s'enclencher. Cette complexité signifie aussi qu'il est impossible de prévoir avec certitude à quel moment des points de non-retour pourraient être atteints, moment à partir duquel nous ne pourrions plus rien faire pour empêcher un emballement de bouleversements climatiques extrêmes. Ce que nous savons, c'est que plus nous tardons à agir, moins nous avons de chances de pouvoir enrayer quoi que ce soit, et plus les mesures nécessaires à mettre en œuvre devront être drastiques.
Confrontés au diagnostic d'une maladie mortelle, très peu d'entre nous refuseraient les traitements existants en pariant sur la mise au point prochaine d'une meilleure alternative. C'est pourtant ce que nous risquons en nous reposant sur la perspective de nouvelles technologies comme le piégage du CO2. L'élimination du carbone dans l'atmosphère n'a pas encore fait ses preuves à l'échelle requise pour pouvoir avoir un réel impact sur le dérèglement climatique. Elle pourrait certes s'avérer être une des solutions à l'avenir, mais il est totalement irresponsable de miser sur cette éventualité. Si nous considérons l'urgence écologique et climatique comme une maladie mortelle, il est alors plus prudent de miser sur les meilleures solutions actuellement disponibles.
La mission d'XR
Nous cherchons justement à créer des solutions pour parer à l'inaction face à l'urgence écologique et climatique, et non des solutions techniques pour enrayer le dérèglement climatique et l'effondrement de la biodiversité, puisque nous les avons déjà.
Une autre raison qui fait qu'XR ne se pose pas comme force de propositions, est que notre troisième revendication exige la création d'assemblées citoyennes nationales. Une assemblée citoyenne implique qu'un échantillon représentatif de la population soit informé sur un sujet, et formule ensuite des recommandations sur la manière d'avancer. Permettre aux citoyens ordinaires de décider de notre avenir collectif est une bien meilleure solution, que de s'en remettre à des politiciens craignant de perdre des voix, ou à une poignée de milliardaires pour prendre toutes ces difficiles décisions. Nous estimons qu'une fois que les gens sont assez informés, et ont compris quelles mesures mettre en œuvre, ils seront bien plus à même de décider de la meilleure marche à suivre, et nous ne sommes pas là pour leur dicter des réponses avant que ces assemblées citoyennes aient été mises en place.
XR cherche à générer une prise de conscience collective et à diffuser largement des informations relatives à l'urgence, tout en ciblant directement le caractère immoral de l'inaction. Nous voulons que les gouvernements et les médias relaient ouvertement et honnêtement l'ampleur de la catastrophe à laquelle nous sommes confrontés, afin que chacun en comprenne la gravité et les causes (Éxigeons la vérité !), de façon à ce que nous puissions toutes et tous faire pression sur les gouvernements pour qu'ils prennent immédiatement les mesures nécessaires, à la hauteur de la situation (Agissons maintenant !). Les solutions sont là, et nous voulons que citoyennes et citoyens ordinaires (pas seulement les membres d'XR) prennent des décisions éclairées sur leur mise en œuvre par le biais d'assemblées citoyennes.
Ce n'est tout de même pas si excessif ni trop radical, non ?